Les dessous de la lutte contre la corruption à la Police Judiciaire Fédérale
Il a dû plonger dans des grands dossiers comme la Carolo, Nethys, le Kazakhgate, la fraude dans le sport ou encore le Qatargate. A l’occasion de la Journée internationale de lutte contre la corruption, le premier commissaire Hugues Tasiaux, patron de l’Office central pour la répression de la corruption (OCRC) de la Police Judiciaire Fédérale, se confie sur son quotidien et celui de ses équipes.

Le premier commissaire Hugues Tasiaux a réellement mis les mains dans les matières liées à la corruption politico-financière lorsqu’il évoluait à la Police Judiciaire Fédérale de Charleroi. « A l’époque, il était question d’affaires concernant l’entourage de l'ex-ministre-président de la Région wallonne Jean-Claude Van Cauwenberghe (le scandale dit de la « Carolo », NdlR). On a remarqué que le phénomène était endémique et il a été décidé de créer un pool temporaire d’enquêteurs à Jumet », entame celui qui en est alors nommé responsable.
La petite équipe restante est finalement déplacée à Bruxelles et rejoint l’Office central pour la répression de la corruption (OCRC) dont Hugues Tasiaux deviendra le responsable ad interim en 2017. « Nous nous sommes réorganisés en nous inspirant du système créé à Jumet qui mélangeait des profils ayant une vision du monde de la finance, habitués aux factures, aux bons de commandes,… et des parcours plus policiers. »

Si l’OCRC a connu des phases compliquées il y a quelques années, le service est actuellement composé de 66 personnes, dont 64 enquêteurs de terrain pour le moins très occupés. « En 2017, après les attentats, nous sommes descendus à 29 personnes. Nous n’ouvrions plus de places et nos forces vives étaient reprises pour la lutte contre le terrorisme… Alors que nous devions traiter des dossiers politico-financiers avec des téraoctets de données ! A présent, nous fonctionnons avec huit équipes de huit personnes, parmi lesquelles on retrouve un commissaire responsable dans chacune d’elle. La lutte contre la criminalité économique et financière au sens large compte donc aujourd’hui parmi les priorités de la Police Judiciaire Fédérale. Nous recherchons d’ailleurs de nouveaux collègues dans presque tous les arrondissements. »
Actuellement, les dossiers de l’OCRC vont de la traite des êtres humains en passant par le trafic d’influence, la fraude aux subsides, jusqu’au trafic international de drogue. « Nous en sommes à 200 dossiers entrants dont une vingtaine concernent Sky ECC… »
La satisfaction du devoir accompli
Le responsable se montre très satisfait du travail de ses enquêteurs. « Nous travaillons pour que les parquets puissent demander condamnation et confiscation des avoirs. On frappe les criminels là où ça fait mal, notamment au portefeuille. Même si notre boulot reste souvent dans l’ombre, nous bénéficions de la reconnaissance des magistrats et de la société civile. C’est ce qui nous importe. »
Le métier d’enquêteur nécessite un travail administratif, avec des analyses bancaires, mais aussi tout un travail policier de terrain. En regardant dans le rétroviseur, le commissairepointe notamment l’importance des méthodes particulières de recherche (écoutes, observations,…) dans la résolution des enquêtes. « Elles ont notamment pu nous aider dans les affaires sensibles car certaines personnes impliquées utilisaient des méthodes de truands. »

« Nous travaillons pour que les parquets puissent demander condamnation et confiscation des avoirs »

Actuellement, selon Europol, tous crimes confondus, seul 1% des recettes criminelles est confisqué et 2% sont saisis en cours d’enquête !
L’ OCRC a de beau jours devant lui
Comment le patron voit-il le futur ? Le premier commissaire ne mâche pas ses mots. « Il faut savoir qu’actuellement, selon Europol, tous crimes confondus, seul 1% des recettes criminelles est confisqué et 2% sont saisis en cours d’enquête ! Il y a donc encore du pain sur la planche et de beaux défis en perspective en matière de lutte contre la criminalité financière et le crime organisé, qui va de pair lorsqu’on parle de blanchiment de capitaux. Quand on voit qu’un fonctionnaire corrompu était rémunéré un million d’euros pour localiser un conteneur de cocaïne et que le patron de l’anti-corruption d'un pays européen est lié au narcotrafic et a dissimulé 20 millions d’euros, on se rend compte que la corruption va loin. »
Pour Hugues Tasiaux, il faut mettre les moyens pour y faire face. « Dans l’affaire Wado (corruption liée à la RDC), par exemple, l’ancien ministre régional Serge Kubla a été condamné mais la société corruptrice a été acquittée car trop de substituts du ministère public s’y sont succédé, ce qui a empêché un suivi complet des dossiers… », regrette-t-il.
Hugues Tasiaux l’affirme, son équipe donne le maximum au profit de la société. « Nous sommes mus par un idéal de justice. Nous fonctionnons très bien par rapport aux moyens humains dont nous disposons. Avec un peu plus, on pourrait faire beaucoup mieux mais ‘’Rome ne s’est pas faite en un jour’’. Je suis très fier des résultats obtenus par les équipes ! », achève-t-il.
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